Décidément, les acteurs irlandais ont la côte en ce moment. Après le troublant Saltburn, où l’irlandais Barry Keoghan intrigue autant qu’il dérange, c’est au tour de Paul Mescal et Saoirse Ronan de faire parler d’eux. Le duo vient en effet de signer un film des plus marquants, tout juste sorti sur la plateforme d’Amazon Prime. Intitulé « Le Remplaçant » ou « Foe » en anglais, le film verse dans la SF d’auteur. Un long-métrage passionnant, qui a choisi de mettre l’accent sur des psychologies plutôt que sur le fantastique. Explications.
2065. La planète Terre se meurt, suite aux ravage du dérèglement climatique. Les villes sont surpeuplées, les terres sont stériles, et l’humanité se tourne vers la conquête spatiale pour assurer sa survie.
Dans le Midwest, Junior (Paul Mescal) et Hen (Saoirse Ronan) sont un couplé marié qui vivent au sein d’une petite ferme isolée, à l’écart du tumulte du Monde.
Un jour, un membre du gouvernement du nom de Terrance frappe à la porte avec une terrible nouvelle : Junior a été tiré au sort pour rejoindre une grande station spatiale expérimentale en orbite autour de la Terre. Bien que Junior proteste, il n’a pas le choix : cette décision tient plus de la conscription que de la liberté de dire non.
Les hommes du gouvernement vont alors proposer au couple l’impensable : faire partir Junior dans l’espace, tout en créant une copie sur mesure de Junior pour permettre à Hen de surmonter la solitude.
Confronté à un choix impossible, le couple va alors devoir se battre pour préserver son amour.
Coécrit et réalisé par Garth Davis, le film « Le Remplaçant » a de quoi perturber dès les premières minutes. Lent, en huis clos et captant chaque attitude des personnages avec attention, le long-métrage est loin de correspondre aux habituels standards du film de science-fiction.
Oubliez les scènes en mode blockbuster, avec les vues sidérantes sur l’espace, le matériel dernier cri et des scènes d’actions tonitruantes. Car vous n’aurez rien de cela.
Bien au contraire.
« Le Remplaçant » verse plus dans le film d’auteur que dans la superproduction hollywoodienne habituelle. Il se concentre en effet sur la période avant que Junior ne parte pour l’espace… délaissant les scènes spatiales au profit de paysages du Midwest ravagés par les conséquences du dérèglement climatique.
Un parti pris déroutant au premier abord, mais qui mérite pourtant bien que l’on s’y attarde.
Car cet ovni cinématographique reste un chef d’oeuvre en soi. Il nous place dans un futur pas si lointain, où les prédictions du GIEC semblent avoir pris une réalité encore plus tangible. Quelques images nous dépeignent d’ailleurs un Midwest exsangue, où les arbres morts et la terre sèche s’étendent à perte de vue… Où la dévastation semble totale.
Les nuisibles envahissent l’écosystème local et les hommes sont contraints d’élever leur bétail dans des fermes gratte-ciel terrifiantes, tout en faisant pousser leur colza à grand renfort de technologies chimiques.
Voilà pour le cadre futuriste. Nous n’en verrons pas plus.
Non. Car ce qui compte dans le cinéma de Garth Davis, c’est son étude des personnages. On assiste ainsi au quotidien morne et triste de Junior et Hen, qui semblent subir le contexte planétaire où tout semble mourir autour d’eux.
Paul Mescal et Saoirse Ronan dans Foe
Amoureux, mais éreintés, le couple possède ses hauts et ses bas. Mais l’amour est là.
Tout va basculer à l’arrivée du troisième et seul autre personnage du film : celui de Terrance, incarné par Aaron Pierre. Lorsque ce dernier apprend au couple que Junior est sélectionné à la façon d’une conscription dans l’espace, leur univers bascule.
Dès lors, Terrance devient voyeur, et le couple dévoile une tout nouvelle palette de sentiments et d’émotions.
Des pensées contradictoires et confuses les envahissent, et l’idée que Junior soit remplacé par un alter ego piloté par de l’IA va les précipiter tout près du gouffre…
L’intrigue, passionnante, mais parfois trop lente, est un excellent moyen pour Garth Davis de nous questionner sur notre société actuelle.
Par ses scènes réfléchies au millimètre, il nous interroge sur le couple, avec ses non-dits et sa complexité sentimentale, sur l’altérité, l’égo, l’amour ainsi que sur l’impact de l’IA sur l’être humain.
Il pointe également du doigt la perversion de l’humanité, incapable d’arrêter le fléau climatique et environnemental qu’il a lui-même provoqué par ses excès.
Les sujets abordés, ne sont pas sans rappeler la série Black Mirror, qui préfère également miser sur des sujets plutôt que sur de la superproduction.
Le Remplaçant s’en sort à merveille, prouvant qu’une fois de plus, la réussite d’un film tient plus à la puissance des thèmes abordés qu’aux effets spéciaux grandiloquents.
De plus, le réalisateurs s’est appuyé sur le talent exceptionnel de Saoirse Ronan et de Paul Mescal, deux irlandais au succès fulgurant, que le tout Hollywood s’arrache actuellement (on attend d’ailleurs avec impatience le voir Paul Mescal en rôle principal dans Gladiator 2). Il faut dire que leur duo fonctionne à la perfection : leur interprétation d’une grande profondeur et subtilité portent littéralement l’intrigue.
Ils y dévoilent devant un spectateur-voyeur, toutes les composantes du couple, de ses sentiments les plus nobles, jusqu’à ses tiraillements les plus sombres.
Une performance fascinante, qui nous encourage à aller jusqu’au bout, malgré la langueur parfois pénible du film.
A découvrir absolument sur Amazon Prime !