En 1649, l’Irlande fut le théâtre de l’un des événements les plus sanglants de son histoire : le siège de Drogheda. Cet acte de brutalité fut orchestré par Oliver Cromwell, figure emblématique mais controversée de l’Angleterre, souvent qualifié de criminel de guerre pour ses actions sur l’île. Cet événement, qui reste gravé dans la mémoire collective irlandaise, illustre la violence des conflits religieux, politiques et militaires de l’époque. Mais que s’est-il réellement passé à Drogheda et pourquoi cet épisode continue-t-il de résonner dans l’histoire irlandaise ?
Oliver Cromwell – Domaine Public
L’Irlande, au XVIIe siècle, était une terre marquée par des tensions croissantes entre catholiques et protestants, ainsi qu’entre les colons anglais et les populations autochtones irlandaises. Les guerres civiles qui déchirèrent l’Angleterre entre 1642 et 1651 eurent également un impact direct sur l’Irlande. Pendant cette période, différentes factions s’affrontaient : les royalistes, partisans de la monarchie, et les parlementaires, menés par Cromwell, qui souhaitaient limiter le pouvoir du roi.
En 1641, une rébellion catholique éclata en Irlande, provoquant des massacres de protestants et une répression sanglante. Lorsque Charles Ier fut exécuté en 1649 et que Cromwell prit le pouvoir, son objectif fut clair : rétablir l’ordre en Angleterre et mater toute résistance en Irlande. Le pays, encore en proie à la guerre, était devenu un bastion royaliste et un refuge pour les ennemis de Cromwell.
Drogheda, située au nord de Dublin, était une ville stratégique en raison de sa position sur la rivière Boyne. À l’époque, elle était un symbole de résistance royaliste en Irlande, soutenue par les forces catholiques irlandaises et les royalistes anglais. Lorsque Cromwell débarqua en Irlande en août 1649, son premier objectif fut de prendre la ville pour affaiblir la résistance royaliste.
Drogheda était fortifiée et protégée par environ 3 000 soldats, sous le commandement de Sir Arthur Aston, un officier anglais fidèle à la couronne. Cromwell, à la tête d’une armée bien équipée, assiégea la ville en septembre 1649. Le siège ne dura que quelques jours, mais la véritable horreur se produisit après la prise de Drogheda.
Le 11 septembre 1649, après avoir brisé les murs de la ville, Cromwell ordonna l’assaut final. Malgré une résistance farouche, les défenseurs de Drogheda furent rapidement submergés. Mais plutôt que d’accepter leur reddition, Cromwell choisit de punir la ville de manière exemplaire.
Pendant deux jours, ses troupes massacrèrent les soldats et les civils de Drogheda sans distinction. Les récits contemporains rapportent que des centaines de soldats royalistes furent exécutés après s’être rendus. Arthur Aston, le commandant de la garnison, fut tué de manière particulièrement brutale, battu à mort avec sa propre jambe de bois. Les églises où les défenseurs s’étaient réfugiés furent incendiées, les femmes, les enfants et les civils n’échappèrent pas à la violence aveugle des troupes anglaises.
Cromwell justifia le massacre en affirmant que c’était un jugement divin contre les « rebelles » irlandais et qu’il servait d’exemple pour dissuader d’autres villes de résister. En effet, la prise de Drogheda fut suivie par d’autres massacres, comme celui de Wexford quelques semaines plus tard.
On estime qu’environ 2 500 à 3 500 personnes furent tuées lors du siège et du massacre qui s’ensuivit. Ce nombre comprend :
Le siège de Drogheda fut l’un des épisodes les plus sanglants de la conquête cromwellienne de l’Irlande. Sa brutalité envoya un message clair aux autres bastions royalistes et catholiques du pays : la résistance serait impitoyablement réprimée. La prise de Drogheda marqua un tournant dans la guerre en Irlande, car après cette attaque, plusieurs villes capitulèrent sans offrir de résistance.
Cependant, au lieu de pacifier l’Irlande, les actions de Cromwell attisèrent encore plus la haine et le ressentiment envers les Anglais, notamment parmi la population catholique. Le massacre renforça la détermination de nombreux irlandais à résister à la domination anglaise, et Drogheda devint un symbole de martyre.
Sur le long terme, la campagne de Cromwell en Irlande eut des conséquences désastreuses pour le pays. Des terres furent confisquées, redistribuées aux colons protestants, et la population catholique irlandaise fut largement marginalisée. Cromwell lui-même est devenu une figure honnie en Irlande, souvent comparé à un tyran pour ses actions.
Aujourd’hui, le massacre de Drogheda est largement considéré comme un crime de guerre. Bien que les normes de guerre au XVIIe siècle fussent différentes de celles d’aujourd’hui, la violence délibérée et la mise à mort de civils et de soldats ayant capitulé ont été largement condamnées par les historiens. Oliver Cromwell reste une figure profondément controversée, perçu comme un héros en Angleterre pour avoir établi la République, mais comme un criminel en Irlande pour la brutalité de sa conquête.
Le massacre de Drogheda occupe une place centrale dans la mémoire collective irlandaise. Il symbolise non seulement la brutalité de la répression anglaise, mais aussi les tensions historiques entre l’Irlande catholique et l’Angleterre protestante. À Drogheda même, le souvenir du massacre est encore commémoré, et Cromwell reste une figure de division.
Le massacre de 1649 a marqué l’histoire irlandaise de manière indélébile, et son impact se fait encore sentir dans les relations entre l’Irlande et l’Angleterre, bien que des siècles se soient écoulés.